
Sustainability, Digital
Immobilier connecté: durabilité et numérique dans le secteur résidentiel
Au vu des objectifs climatiques que l’Allemagne s’est fixés, il est plus important que jamais d’intégrer aux bâtiments une dimension numérique. Pour les immeubles résidentiels, en particulier, il convient de tenir compte de divers aspects, écrit la spécialiste des données Rebekka Ruppel.
L’immobilier numérique a le vent en poupe. Depuis maintenant cinq ans, ce concept semble être sur toutes les lèvres. Mais le discours a bien évolué. La transition numérique est devenue plus complexe et multidimensionnelle; cybercriminalité et cloud computing disparaissent des débats, au profit des nouveaux modèles de données et des visions futuristes dans le métavers. La stratégie classique de numérisation cède progressivement la place à une stratégie dans un monde numérique.
Récemment, la transformation numérique s’est enrichie d’une thématique de poids: depuis la conférence de l’ONU sur le climat qui s’est tenue en 2018 à Katowice en Pologne, la durabilité et la neutralité climatique se sont imposées dans le jargon immobilier. Ce qui est passionnant, ce sont les considérations écologiques et les stratégies numériques du secteur, jusqu’ici prises en compte séparément. Car dans ce contexte, inutile de se faire des illusions: sans données, point de développement durable. Si nous voulons atteindre la neutralité climatique, nous devons nous équiper en technologie.
Pas de transition écologique sans intelligence
La politique climatique allemande exige de la part du secteur immobilier le respect de certaines valeurs d’émissions de CO2 dans le but d’atteindre d’ici 2045 le zéro émission nette de gaz à effet de serre. La numérisation du bâtiment est à la base de l’évaluation de ces directives. Car seuls les relevés automatiques de ces valeurs, leur saisie standardisée et leur présentation structurée permettront d’établir des comparaisons pluriannuelles et d’en vérifier ne serait-ce que des valeurs indicatives. Les données constituent donc la clé d’un meilleur bilan environnemental.
Le secteur du bâtiment ferait un grand pas en avant dans la lutte contre le changement climatique en reconnaissant que rendement et développement durable ne sont pas incompatibles – au contraire! À cet égard, observer les coûts sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment est décisif pour le maintien de sa valeur. Un calcul fiable des coûts entraînés par les décisions d’investissement dès la phase de planification est déterminant pour la future valeur vénale, surtout si l’on considère que les frais d’exploitation et d’entretien peuvent représenter, d’après la méthode de calcul statique, jusqu’à 40% des coûts d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, et que les dépenses énergétiques pèsent normalement pour 25%!
La durabilité, un effet secondaire
Suite aux directives de télétravail et aux confinements imposés ces derniers mois, ceci s’avère particulier intéressant pour l’économie résidentielle. Aujourd’hui, la durabilité dans le milieu locatif doit être vue comme un effet secondaire des économies – et le recours à des outils numériques favorise justement ces économies.
Ceux-ci permettent de calculer les frais accessoires de manière différenciée et de les contrôler chaque fois à moindres frais, car chaque facteur de coût est mesuré, présenté et documenté de manière cohérente sur tous les appartements. Les applis locatives, les tableaux de bord de durabilité ou encore la gestion intelligente de l’éclairage et du courant permettent, grâce aux économies d’énergie réalisées, de réduire d’une part les dépenses côté locataires et, d’autre part, d’augmenter l’efficacité des processus de gérance. Qui plus est, on peut comparer les variations dans les données de consommation et les présenter comme documents à l’appui des modifications de loyer.
Des bâtiments intelligents
L’intérêt de faire intervenir des technologies intelligentes dans l’économie résidentielle est donc incontestable. Équiper les immeubles résidentiels d’outils numériques représente cependant plusieurs défis, qu’il convient d’évaluer au préalable. Lors de l’installation d’équipements, il est par exemple important que les appareils puissent être pilotés de manière centralisée et ne soient pas obligatoirement installés dans chaque unité de logement. Car on le sait, les appareils numériques ont un cycle de vie court, et les frais de remplacement une fois le délai de garantie écoulé sont supportés par la gérance. Il ne faut pas non plus sous-estimer le temps consacré à la fixation des rendez-vous en cas de panne, notamment dans les grands complexes urbains.
Les solutions logicielles doivent aussi être bien pensées. De nombreuses gérances misent aujourd’hui sur l’approche BYID (Bring Your Own Device), qui oblige les locataires à utiliser leurs propres appareils mobiles. Cela exige une communication cohérente et régulière avec les locataires (p. ex. en cas de mise à jour ou de nouvelles fonctions) ainsi que des connaissances numériques de la part de la gérance, qui fait office de premier point de contact, autrement dit de premier niveau d’assistance. Par ailleurs se pose rapidement la question de la protection des données si des données de consommation personnelles et d’autres informations sont recueillies dans le cloud du fournisseur.
Conclusion: la communication est essentielle
Un bâtiment rentable et qui ne nuit pas à l’environnement place ses utilisatrices et utilisateurs au centre de toutes les réflexions. Le dialogue régulier entre gérants, gestionnaires locatifs et locataires recèle de nombreux avantages: souvent, il fidélise les locataires, l’identification voire l’anticipation des problèmes est plus rapide, et le bâtiment peut être adapté à long terme aux besoins des occupants. Les outils numériques constituent à cet égard un important facteur de succès.
Mais il ne faut pas se laisser impressionner par la soi-disant complexité des technologies intelligentes. La réduction des coûts et les bénéfices en termes de durabilité surpasseront la charge de travail initiale. Il est cependant recommandé de développer un concept clair accompagné de KPI pertinents pour les biens résidentiels et d’informer dans le détail les locataires avant d’installer des technologies intelligentes à grande échelle.
À propos de l’auteure
Rebekka Ruppel est gérante de la société pom+Deutschland GmbH, filiale allemande d’une société suisse de conseil leader dans l’immobilier. Titulaire d’un master en génie civil de l’ETH, elle est présidente de International Building Performance & Data Initiative (IBPDI) de Microsoft, RICS, BuildingMinds et de pom+, et dirige le groupe de travail sur les données au sein du Comité chargé des questions de transition numérique de la ZIA.